Après avoir glané diverses informations et recoupé les différents témoignages, je commence tout juste à y voir plus clair dans les méandres de la société indienne. N’ayant pour le moment voyagé qu’au Rajasthan et dans l’Uttar Pradesh, je ne sais pas si l’analyse suivante et la précédente sont à généraliser à l’ensemble du pays. Un prochain voyage nous le dira sans doute…
80 % des Indiens pratiquent l’hindouisme, pour cette raison, mes deux articles s’intéressent principalement à la condition des femmes hindoues. Cependant, le pays compte également 15 % de musulmans. On trouve aussi, en proportions moindres, des chrétiens, des sikhs, des bouddhistes et des jaïns. Je m’attarderai plus longuement sur ces religions et leurs principes que j’ai trouvés fort intéressants dans un prochain article.

Quartiers des femmes, Fort d’Amber (2016). Femme en sari.
Au Rajasthan, on reconnaît la plupart du temps les femmes musulmanes aux tuniques et pantalons qu’elles portent, les hindoues, elles, sont traditionnellement vêtues d’un sari. Les jeunes filles, avant d’être mariées, portent des tenues différentes et il était plus difficile pour moi de déterminer leur appartenance à une religion particulière par le biais de leurs apparats.
« Il faut deux ans pour visiter l’Inde et une vie entière pour la comprendre. »
Au moment où nous croisons des femmes qui guident un troupeau de chèvres sur le bord de la route, Raj nous informe que ce sont des femmes musulmanes. Lorsque je demande comment il a tiré cette rapide conclusion, il m’explique qu’une femme hindoue ne garderait pas un cheptel de chèvres ; elles pourraient guider des vaches ou d’autres animaux mais visiblement pas des chèvres… Il ne saura pas m’expliquer pourquoi, c’est simplement une évidence. De nombreuses situations me prouveront par la suite qu’il n’est pas aisé avec des yeux étrangers de comprendre tout ce que l’on voit en Inde.

Femme à l’entrée du Chand Baori, Abaneri (2016).
Au cours de nos visites, certains bas-reliefs m’interpellent, en particulier ceux que l’on peut voir à Abaneri, dans l’enceinte du Chand Baori (puit à degrés du XIII ème siècle). En effet, je suis surprise de voir des représentations de femmes seins nus, vêtues très légèrement. La pudeur actuelle imposée aux femmes ne me paraît pas coller avec les scènes de vie reproduites sur ces pierres. On m’expliquera alors, qu’avant le XII ème siècle, la femme était l’égal de l’homme en Inde, qu’elle passait autant de temps aux champs qu’à la cuisine, et que les hommes participaient au même titre que les femmes à la préparation des repas et à l’entretien de la maison. J’apprends avec étonnement que les deux sexes étaient vêtus d’un simple pagne court et que donc les femmes étaient seins nus. Selon les informations que nous avons recueillies sur place au fil de nos échanges, cette aire d’égalité des sexes aurait pris fin avec les invasions musulmanes du XI ème siècle dans le but de protéger les femmes hindoues des attaques des musulmans (viols, enlèvements, etc.).
De retour en Suisse, j’ai besoin de vérifier et de compléter les informations que j’ai pu recueillir. Mes recherches m’amènent à comprendre que la condition des femmes a énormément fluctué au cours de l’histoire du pays, au gré des invasions successives.
Durant l’Antiquité, les femmes jouissaient visiblement des mêmes droits et de la même liberté que les hommes. Elles avaient accès à l’éducation et se mariaient à l’âge adulte avec un partenaire de leur choix. Certaines d’entre elles étaient particulièrement respectées pour leur sagesse. Avant les migrations indo-aryennes, de nombreuses sociétés observent ainsi le matriarcat et c’est seulement à la suite de ces migrations, autour de -500 av. J.-C. que le statut de la femme change et qu’elle devient progressivement subordonnée à l’autorité de l’homme (son père, son mari, son fils).
Au cours du Moyen-âge, la condition des femmes indiennes continue de se détériorer. De nouvelles pratiques font leur apparition et se banalisent avec les conquêtes musulmanes des Indes, à l’image de la sati (suicide rituel par immolation des femmes veuves sur le bucher funéraire de leur défunt mari), du mariage forcé, de la purdah (ségrégation des sexes et obligation pour les femmes de se couvrir), ou du confinement dans des harems. Au Rajasthan, que nous avons visité, les Râjputs pratiquaient le Jauhâr (suicide collectif des femmes lorsque la prise d’une ville était certaine).
Plusieurs mouvements au travers des âges, ont tenté, sans réel succès pérenne, de rétablir une certaine égalité sociale et de redonner aux femmes une place juste, tels que les mouvements Bhakti, certains représentants du sikhisme, etc.

Femmes qui mangent ensemble leur premier repas de la journée (vers 10h30), Abaneri (2016).
A l’heure actuelle, la sati et le jauhâr, proscrits sous l’Empire des Indes britannique, sont quasiment tombés en désuétude, même si certains cas d’immolation rituelle sont encore rapportés épisodiquement dans les zones les plus reculées du pays.La purdah et les mariages forcés ainsi que les mariages avec des enfants (bien qu’illégaux) sont cependant monnaie courante encore aujourd’hui.

Gardienne du petit temple du Chand Baori, Abaneri (2016).
En dépit de ce climat délétère pour les femmes, certaines parmi elles ont marqué l’histoire dans divers domaines, de la politique à l’éducation en passant par la religion et la littérature. Dans l’Inde d’aujourd’hui, les postes importants sont régulièrement occupés par des femmes : Présidente, Première ministre, Présidente du Parlement, Cheffe de l’opposition au parlement, etc.
Pour autant, l’Inde reste le quatrième pays le plus dangereux au monde pour les femmes et celui où leur condition est l’une des plus difficile. De nombreuses femmes sont encore tuées chaque année parce que le montant de leur dot n’est pas suffisant ou parce qu’elles ont « entaché l’honneur » de leur famille. Le caractère criminel de leur mort reste dans de nombreux cas difficile à prouver et un grand nombre de ces crimes restent impunis. La route est encore longue vers une société plus égalitaire et juste…

Femme vendant des noix de coco au bord des routes, Jaipur (2016).

Femme préparant la pâte pour le pain indien (naan), New Delhi (2016).

Fatehpur Sikri (2016).

Fatehpur Sikri (2016).

Abaneri (2016).

Abaneri (2016).

Abaneri (2016).

Reproduction de gravures issues de temple (2016).

Déesse à plusieurs têtes, Sarasvati, épouse du dieu Brama (2016).
Tes articles sont très intéressants !
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