. Femmes hindoues (Part. 1) .

Après quelques jours passés à côtoyer la population indienne, je m’interroge sur la place des femmes et les relations entre les deux sexes.

Je constate que peu de femmes travaillent, même dans les grandes villes, et qu’elles sont la plupart du temps accompagnées par leur famille ; néanmoins, elles sont partout, remarquables et remarquées, avec leurs saris ou tuniques aux couleurs vives.

Comme à mon habitude, moi la fille qui parle trop, je pose un tas de questions aux personnes que je rencontre sur tous les sujets qui m’interpellent. Je découvre alors, sans grande surprise, que les femmes hindoues restent traditionnellement à la maison pour s’occuper de leurs enfants, de leur mari, mais également de leur belle-famille. En effet, après leur mariage, les femmes quittent leur famille pour vivre chez la famille de leur mari et ne verront par la suite que rarement leurs propres parents. Il est ainsi incommode pour un couple de ne donner naissance qu’à des filles puisque sans fils, les parents une fois âgés se retrouvent seuls, sans personne pour les prendre en charge financièrement et physiquement. L’avortement des foetus féminins est ainsi monnaie courante, bien qu’illégal…

Les familles qui ne donnent naissance qu’à des filles rencontrent également un autre problème de taille, celui de la dot. En effet, la famille de l’épouse, en plus de devoir organiser et payer le mariage, doit s’acquitter d’une dot qui revient à la famille du mari. Imaginez un instant les frais occasionnés par le mariage de sept filles, comme ce fût le cas d’une histoire qu’il nous a été contée il y a quelques jours.

Extrait de L’Apprenti sorcier de Tahir Shah (chap. 16) :

« Cette image me frappa. L’avenir – c’est-à-dire une terre sans petite fille – était déjà arrivé. Poursuivant mes recherches, j’envoyai Bhalu demander aux pères que nous rencontrions combien ils avaient de filles. Epanouis, la plupart répondirent qu’ils n’avaient que des fils. Il n’y avait pratiquement pas de filles au-dessous de six ans. Avec le temps, le courant s’inversera peut-être – les hommes étant obligés de payer pour obtenir la main de femmes devenues rares et donc chères. Mais, tel qu’il existe encore, le système des dots – versées par la famille de la mariée à celle du marié – a conduit à l’attitude actuelle. Par une logique qu’on peut trouver pour le moins étrange, au lieu de se débarrasser du système des dots, on se débarrasse des filles. »

Selon la tradition hindoue, les femmes, en tant que ciment de la famille, doivent être vénérées comme la Shakti (la déesse) qui accompagne chacun des dieux. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser aux faits d’actualité brûlante qui nous sont parvenus ces dernières années concernant les agressions sexuelles et viols collectifs perpétrés à l’encontre des femmes indiennes. Toutes les informations que je recueille à ce moment là me laissent perplexe.

Lors de notre découverte de Jaipur, notre guide sur place, Raj, homme extrêmement intègre, hindou et traditionnel, accepte volontiers de répondre à toutes mes interrogations. J’apprends ainsi que, dès le plus jeune âge, les petites filles sont préparées à devoir se marier un jour à un homme choisi par leur famille et à le servir et le satisfaire tout au long de leur vie. Il m’explique que sa femme enseigne déjà cette tradition à sa fille de trois ans. Il résume d’ailleurs la vie des femmes ainsi : avant leur mariage, elles doivent satisfaire aux besoins de leurs parents, après le mariage, elles font la même chose auprès de leur mari et de leurs beaux-parents. L’éducation des filles consiste à apprendre la cuisine, la couture, le ménage et l’attitude à adopter devant son mari et sa belle famille. Seuls 20 % des filles sont scolarisées au Rajasthan…

Petit anecdote, sur les tombeaux que nous avons pu voir au Rajasthan, il y a toujours, gravés dans le marbre, soit une boîte qui représente une boîte à stylos, soit une feuille de papier (parfois aussi un espace vide mais j’expliquerai pourquoi dans un autre article). Ces objets sculptés sur les tombeaux permettent de savoir si une femme (la feuille) ou un homme (la boîte à stylos) est inhumé là ; ils symbolisent le fait qu’après son mariage une femme remet sa vie (la feuille) entre les mains de son mari qui va « écrire son destin » (avec ses stylos). 

Autre fait intéressant, Raj m’explique que sa femme ne s’adresse jamais à lui devant ses parents. Le seul moment où ils se parlent dans la journée, c’est le soir au coucher, pendant une vingtaine de minutes. Ce serait pour eux une marque d’irrespect de communiquer ensemble devant les parents de Raj. Lorsque Raj mange avec sa famille, sa femme reste en cuisine pour pouvoir amener les plats chauds au fur et à mesure de leur préparation. Elle ne mange qu’après tout le monde, seule, et ne peut se coucher qu’après avoir nettoyé la cuisine et seulement après que ses beaux-parents soient au lit.

Je l’ai mentionné plus haut, ce sont les parents qui choisissent les partenaires pour leurs enfants. 90 % des mariages en Inde sont ainsi des mariages arrangés. Le choix des époux doit respecter huit critères, ce qui rend la recherche difficile pour les parents. Le premier critère est la non consanguinité. Afin de le vérifier, chaque famille doit donner le nom des grands-parents maternels et paternels et si au moins deux noms correspondent, le mariage ne peut pas avoir lieu. On vérifie ensuite que les futurs époux sont issus des mêmes caste et sous-caste. Je parlerai du système de castes dans un prochain article mais notez déjà qu’il est interdit par l’hindouisme de se marier avec un individu d’une caste différente de la sienne. Le troisième critère est géographique. Les femmes quittant leur famille pour aller vivre chez leur mari, leurs parents privilégieront un homme du même village ou d’un village proche, afin de pouvoir plus facilement rendre visite à leur fille. Les pratiques alimentaires sont également prises en compte puisque les femmes hindous (hormis les femmes sikhs) ne consomment jamais de viande alors que les hommes en consomment parfois. Une femme hindou traditionnelle n’acceptera pas de cuisiner de la viande dans sa cuisine, ni même de laver de la vaisselle ayant contenu de la viande. Raj nous explique que lorsqu’il consomme de la viande avec son père (assez rarement), ils doivent monter sur le toit de la maison pour cuisiner et leurs femmes refusent qu’ils mangent à l’intérieur. Bien entendu, c’est là le seul cas où ce sont eux qui lavent la vaisselle. Autre critère décisif, l’horoscope. Les hindous demandent toujours l’avis d’un prêtre pour connaître la compatibilité de leurs caractères en fonction de leurs signes astrologiques. Le prêtre peut ainsi dissoudre une promesse de mariage s’il juge que les signes s’accordent mal. Celui-ci vérifiera également la position de Mars qui a une symbolique particulière pour les hindous. Il reste encore à vérifier, pour valider le mariage, que les deux futurs époux ont la même religion et que la situation économique des deux familles est équivalente.

Lorsque je m’interroge sur les 10 % de « mariage d’amour » comme ils les appellent ici, Raj m’explique qu’il est très compliqué pour un couple de se marier sans avoir suivi le choix des parents parce qu’il est automatiquement rejeté par les deux familles. Dans ce type de société patriarcale où cohabitent fréquemment dans la même maison plusieurs générations, perdre le soutien de ses parents revient à vivre sans toit et avec de grosses difficultés financières ; sans parler bien sur des cas de meurtres commis pour venger l’honneur des familles…

Après en avoir appris un peu plus sur le fonctionnement de la société indienne, je me suis intéressée aux raisons de ce grand écart que je perçois entre les écrits religieux présentant les femmes comme des déesses à vénérer et la réalité quotidienne de ces mêmes femmes indiennes ; cette réflection fera l’objet d’un prochain article.

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Jeune mariée hindoue et ses belles-soeurs de la caste des guerriers, Amber (2016)

Une réflexion sur “. Femmes hindoues (Part. 1) .

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